Présentation de Daniel BAUER, lecteur
Je tiens à remercier Monsieur Schenkels de m’accueillir ici en tant que simple lecteur.
Étant profondément ancré à gauche, je dois reconnaître que les articles politiques publiés sur ce site ne correspondent pas du tout à mes convictions ; certains, même, me hérissent. Par respect, j’ai donc choisi de ne pas lire ni commenter les articles politiques de Monsieur Schenkels. Je le respecte en tant que personne, mais ses prises de position sont souvent en totale contradiction avec mes valeurs. Je ne pourrais donc pas envisager une amitié avec lui, mais je le remercie néanmoins de m’accueillir sur ce site, où je m’intéresse avant tout à la rubrique consacrée aux Première et Seconde Guerres mondiales.
Je suis né à Munich en 1961 de parents allemands, nous sommes venu vivre en Belgique lors de mes trois ans et j’ai tout naturellement pris la nationalité belge, je suis ingénieur et marié avec deux enfants, un fils de 38 ans et une fille de 36 ans
Mon passé « allemand » me pousse parfois à réagir différemment de vous, et j’espère que mes contributions pourront enrichir la réflexion et ouvrir le débat sur ces conflits.
Je souhaite préciser d’emblée que je suis fermement opposé au nazisme et profondément horrifié par ce que certains Allemands ont infligé aux Alliés, en particulier aux civils (tortures, exécutions sommaires, viols, etc.). Je condamne sans réserve la traque des Juifs, la Shoah et l’ensemble des crimes nazis. Mais, malgré tout, je ne peux renier mes origines allemandes.
Histoire familiale
Mon grand-père était officier dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a été blessé par les Américains en 1945 et fait prisonnier. Son frère, simple soldat, a été tué au tout début de la guerre, aux Pays-Bas. De nombreux membres de ma famille se sont battus au sein de la Wehrmacht, ils étaient allemands c’était donc logique, je n’ai pas beaucoup d’informations sur eux mais je sais que certains y sont morts.
La guerre était un sujet tabou dans ma famille, personne n’en parlait, mais mon grand-père était considéré comme un héros.
Ce n’est qu’à la fin de la vie de mon père qu’il m’a parlé de son propre père. Ce fut un choc, le héros de guerre s’est transformé en criminel de guerre.
Pour tenter de comprendre, sans jamais excuser, l’acte criminel qu’il a commis, il faut remonter à la Première Guerre mondiale. Mon arrière-grand-père a été tué par balles en 1916, lors de la bataille de la Somme, alors que mon grand-père n’avait que sept ans. Il est compréhensible qu’un enfant ressente de la colère envers ceux qui ont tué son père. Mais, devenu adulte, il aurait dû comprendre qu’il s’agissait d’un acte de guerre, que le soldat français qui l’a abattu ne faisait que son devoir. Pourtant, toute sa vie, il a nourri une haine tenace envers les Français
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, il a naturellement pris les armes, en tant qu’officier de la Wehrmacht, pour combattre ses ennemis.
C’est en larmes que mon père m’a révélé qui était vraiment son propre père. C’était la première fois que je voyais mon père pleurer. Je pense qu’il a ressenti un soulagement en partageant ce fardeau avant de mourir, mais pour moi, cela a détruit l’image du héros de guerre que je m’étais forgée de ce grand-père que je n’ai jamais connu.
Au début de la guerre, il combattait sur le front français et a tué plusieurs soldats lors des affrontements – rien de répréhensible dans le contexte de la guerre. Mais, à la fin d’un combat, ses hommes ont capturé deux soldats français. C’est alors que mon grand-père a commis l’irréparable. Bien que les deux soldats français aient été désarmés, les mains derrière la tête, il a sorti son arme et les a exécutés de sang-froid, tirant une balle dans le front de chacun, les tuant sur le coup.
Cet acte criminel peut s’expliquer par son histoire personnelle, a-t-il voulu venger son père en abattant ces deux soldats français ? Si je peux le concevoir, je ne peux en aucun cas l’accepter. Il a commis un crime de guerre en tuant deux soldats sans défense, qui, capturés, auraient dû survivre.
Mon père m’a raconté que son père avait la réputation d’être un officier féroce, dur avec ses hommes, sans pitié envers l’ennemi. Il a participé à la chasse aux Juifs, à l’arrestation de résistants qu’il a lui-même interrogés, alors même qu’il n’était pas membre de la Gestapo. Là encore, il a commis des atrocités : tortures, exécutions… Mon père est décédé en 2005 d’un cancer ; c’est cette année-là que j’ai découvert l’envers du décor, qui était vraiment mon grand-père.
Je ne connais pas bien l’Allemagne, je n’ai jamais vu mes cousins ou cousines ; les ponts ont été coupés, probablement pour sauver les apparences et préserver ce secret de famille. Il n’y avait pas de quoi s’en vanter, surtout en Belgique !
Comment imaginer descendre d’un homme que je qualifie de monstre, de bourreau ?
Ce qui me rassure, c’est mon papa qui était un homme remarquable. Il est né en 1938 juste avant la seconde guerre mondiale, il n’a connu son père qu’après sa libération, j’ignore la date exacte. Il m’a très bien élevé avec de bonnes valeurs dont le respect des autres, des plus faibles.
Mon grand-père quant à lui est décédé en 1958 de diabète, je ne l’ai pas connu et en suis bien heureux.
Voici mon histoire familiale.
Historiquement, j’appartiens au « côté allemand ». Même si je condamne fermement le nazisme, je ne perçois pas les Allemands comme des ennemis, car ce sont mes origines, durant les deux guerres, ma famille se bâtait côté allemand. Aujourd’hui, en tant que Belge naturalisé, je me trouve face à un dilemme, comment respecter mes racines allemandes et comprendre la position de l’Allemagne pendant les guerres, tout en reconnaissant la souffrance vécue par les Belges ? Je suis également conscient que la victoire des Alliés a permis de mettre fin au régime nazi, ce qui fut une excellente chose pour le monde.
Heureusement de nos jours, nous sommes tous du même côté, alliés dans l’Europe.
Daniel BAUER
(pas de photo)
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