(Autre dossier par Alain Schenkels, cliquez dans cette page)
À partir de 1904, les soldats allemands exterminent les membres des tribus Héréros et Namas dans ce qui deviendra la Namibie. Ce 10 juillet, cela fera dix ans que le gouvernement allemand a reconnu le caractère génocidaire de ce massacre. Une carte blanche de Pascal Lefèvre, chroniqueur politique indépendant.
Il y a dix ans, le 10 juillet 2015, Frank-Walter Steinmeier, alors ministre des Affaires étrangères dans le troisième gouvernement d’Angela Merkel, qualifiait publiquement de « crime de guerre » (« Kriegsverbrechen ») et de « génocide » (« Völkermord ») les exactions commises par les troupes coloniales allemandes contre les Héréros et les Namas en Afrique du Sud-Ouest allemande (« Deutsch-Südwestafrika »), l’actuelle Namibie, entre 1904 et 1908 : « Der Vernichtungskrieg in Namibia von 1904 bis 1908 war ein Kriegsverbrechen und Völkermord » (« La guerre d’anéantissement en Namibie entre 1904 et 1908 était un crime de guerre et un génocide. »)
Ce fut un premier pas vers la reconnaissance officielle du caractère génocidaire du massacre par le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas, sous le quatrième et dernier gouvernement de la chancelière allemande, dans le cadre de négociations avec les autorités namibiennes, le 28 mai 2021 : « Unser Ziel war und ist, einen gemeinsamen Weg zu echter Versöhnung im Angedenken der Opfer zu finden. Dazu gehört, dass wir die Ereignisse der deutschen Kolonialzeit im heutigen Namibia und insbesondere die Gräueltaten in der Zeit von 1904 bis 1908 ohne Schonung und Beschönigung benennen. Wir werden diese Ereignisse jetzt auch offiziell als das bezeichnen, was sie aus heutiger Perspektive waren: ein Völkermord. » (« Notre objectif était et demeure de trouver ensemble un chemin vers une véritable réconciliation en mémoire des victimes. Cela implique de nommer sans rien minimiser ni édulcorer les événements perpétrés à l’époque coloniale allemande dans l’actuelle Namibie, et en particulier les atrocités commises entre 1904 et 1908. Nous allons désormais désigner officiellement ces événements pour ce qu’ils sont sous une perspective actuelle : un génocide. »)
Cette admission s’accompagna de promesses d’excuses « au vu de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne » (« Im Lichte der historischen und moralischen Verantwortung Deutschlands »), ainsi que de l’engagement de verser un montant de 1,1 milliard d’euros destiné à la « reconstruction » (« Wiederaufbau ») et au « développement » (« Entwicklung ») au profit de la Namibie et des descendants des victimes.
Depuis cette année 2025, le 28 mai est de ce fait considéré en Namibie comme un jour férié de « commémoration du génocide ».
On estime que le premier génocide du XXᵉ siècle a coûté la vie à environ 65.000 Héréros sur 80.000 (soit plus de 80%) et à 10.000 Namas sur 20.000 (soit 50%).
Lorsque l’on se rend sur le plateau du Waterberg, avec ses magnifiques falaises rouges et ocres, il est difficile d’imaginer que c’est là que, en août 1904, le général Lothar von Trotha, à la tête de l’armée coloniale de l’empereur Guillaume II, décida d’encercler et de mitrailler des dizaines de milliers de Héréros rassemblés avec leurs familles. La majorité d’entre eux étant toutefois parvenue à s’échapper dans le désert voisin du Kalahari. Le haut gradé allemand, craignant qu’ils ne se réorganisent, fit empoisonner les rares points d’eau et établir des postes de garde à intervalles réguliers, avec ordre de tirer sans sommation sur chaque Héréro, homme, femme ou enfant.
Le « Vernichtungsbefehl » (« ordre d’extermination ») de von Trotha, daté du 2 octobre, stipule que « les Héréros ne sont plus des sujets allemands » (« Die Herero sind nicht mehr Deutsche Untertanen »), qu’« à l’intérieur des frontières allemandes, chaque Héréro, avec ou sans fusil, avec ou sans bétail, sera fusillé » (« Innerhalb der Deutschen Grenze wird jeder Herero mit oder ohne Gewehr, mit oder ohne Vieh erschossen ») et que « je n’accepterai plus désormais les femmes et les enfants, je les renverrai à leur peuple ou les laisserai être abattus » (« ich nehme keine Weiber und keine Kinder mehr auf, treibe sie zu ihrem Volke zurück oder lasse auch auf sie schießen »). Le 5 octobre, le général indique qu’il « estime que ce peuple doit être exterminé en tant que tel » (« Ich glaube, dass die Nation als solche vernichtet werden muß »).
Suite de la carte blanche disponible dans 21News
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