La nouvelle norme de l’OTAN est raisonnable et réalisable (Théo Francken, Ministre de la Défense)
Defense otan

Le sommet de l’OTAN à La Haye approche à grands pas. Les grandes lignes sont déjà connues. Les dépenses minimales de défense seront progressivement portées de 2 % du PIB aujourd’hui à 3,5 %. Seul le délai fait encore débat : 2032 ou 2035. En outre, les États membres devront investir au moins 1,5 % de leur PIB supplémentaire dans la résilience, ce qui concerne principalement l’infrastructure, la sécurité intérieure et la cybersécurité. Mais ces dépenses, les alliés les réalisent déjà.

Il n’est donc pas question d’une obligation d’augmenter les dépenses de défense à 5 %, comme cela est souvent affirmé, mais seulement à 3,5 %. Cet objectif est à la fois raisonnable et inévitable. Plus encore : cela signifie un retour à la normalité. L’ère de l’hégémonie économique et militaire occidentale globale, la « Pax Americana », est révolue. C’est pourquoi les dépenses de défense exceptionnellement basses que les démocraties européennes pouvaient alors se permettre sont également terminées. Probablement même définitivement, bien que beaucoup ne semblent pas encore le réaliser.

Dans les années 1960, la Belgique consacrait déjà 3,5 % de son PIB à la défense. Pourtant, il s’agissait d’années de croissance économique sans précédent et de développement de notre État providence. Détail important : la menace de guerre contre l’Europe était alors moindre qu’aujourd’hui. L’URSS tenait certes l’Europe de l’Est d’une main de fer, mais respectait en même temps la division géopolitique établie en 1945 à Potsdam. La Russie contemporaine, quant à elle, remet en question le statu quo de façon assertive. Elle souhaite restaurer son pouvoir sur les anciennes républiques soviétiques européennes qui se sont détachées de la Russie en 1991. Pour cela, elle mène déjà une guerre hybride contre l’Europe, y compris contre la Belgique.

Ceux qui, dans ce contexte tendu, jugent 3,5 % déraisonnable ne méconnaissent pas seulement le risque sécuritaire aigu auquel sont exposés les États baltes membres de l’UE, mais aussi le fait que nous avons pu fournir cet effort sans problème par le passé. Certains lecteurs feront remarquer que la comparaison avec les « golden sixties » ne tient pas, car notre population est aujourd’hui beaucoup plus âgée qu’à l’époque. Mais ce problème concerne tous les États membres européens. Au sein de l’OTAN, les pays scandinaves tirent fortement à la charrette pour la norme de 3,5 %, alors que leur pyramide démographique est pratiquement identique à la nôtre. Ils atteindront également cette norme, avant même 2030, avec une économie, une protection sociale et un budget qui resteront robustes.

Sur la base de notre PIB actuel, 3,5 % représenterait pour la Belgique une dépense annuelle de défense d’environ 22 milliards d’euros, pensions des anciens militaires comprises. Cela représente environ 10 milliards d’euros de plus que ce qui a été convenu dans le récent accord de Pâques. Un investissement conséquent, c’est vrai, mais nous aurons au moins 7, voire 10 ans pour atteindre cet objectif de façon progressive. Est-ce vraiment une mission impossible ? À titre de comparaison : cette année, nous dépensons déjà environ 140 milliards d’euros pour la sécurité sociale, sans compter les coûts des soins de santé.

Pourquoi la nouvelle norme de l’OTAN suscite-t-elle précisément en Belgique des remous politiques, alors qu’elle provoque à peine de discussions ailleurs en Europe?
Parce que notre caisse fédérale est vide. Ce n’est pas dû à une économie chancelante ou à une pression fiscale trop faible. Sur ce point, nous figurons parmi les meilleurs en Europe. Le navire belge fuit ailleurs. Tout d’abord, au niveau de la sécurité sociale. Les cotisations sociales et patronales ne suffisent plus à couvrir la facture. Dans le budget 2025, l’État fédéral a dû injecter pas moins de 55 milliards d’euros de ses propres ressources dans ce système. C’est pourquoi le gouvernement fédéral manque de marge budgétaire pour investir dans ses missions essentielles, de la justice à la défense.

Année après année, ce problème devient plus pressant et l’État fédéral plus démuni. Il est à nouveau trop facile de tout ramener à la seule question du vieillissement de la population. La Belgique est connue au sein de l’UE pour la surconsommation massive de ses systèmes de prestations, malgré un taux de postes vacants très élevé, et pour un système de pensions qui ne tient pas suffisamment compte des années réellement travaillées. Cela pèse très lourd sur le budget. Selon le dernier rapport d’Eurostat à ce sujet (2023), la Belgique consacre 22 % de son PIB à la protection sociale. Aux Pays-Bas, ce chiffre n’était que de 16,2 %.

Enfin, la Belgique connaît également une surconsommation de ressources publiques au niveau régional et communal. Il existe là des marges de réduction importantes, si l’on s’attelle à un débat approfondi sur les missions essentielles dans le cadre d’une nouvelle réforme de l’État.

Le déficit budgétaire fédéral est-il alors un argument valable pour provoquer des remous à la Chambre contre la nouvelle norme de l’OTAN ? Non. Le fait que nous n’ayons pas notre propre maison en ordre n’est pas une excuse pour renoncer à notre devoir de solidarité envers nos alliés. Les Américains à La Haye n’y verraient aucune compréhension, et nos alliés européens encore moins. Car la Belgique peut atteindre 3,5 %. Si elle le veut, du moins.

Theo Francken
Ministre de la Défense

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Alain Schenkels

Présent sur les réseaux sociaux, je rédige très régulièrement des messages ou j'invite le lecteur à des débats pluralistes sur des sujets divers tels que politique et culture.