Pourquoi 5% du PIB pour la sécurité ? Un éclairage sur les enjeux actuels (Theo Francken)
Défense otan

Amis, la politique n’est pas un métier pour jeunes filles rougissantes, mais on pourrait s’attendre à un minimum d’honnêteté intellectuelle. Je suis habitué à la malveillance, mais le manque de connaissances en matière de défense fait parfois mal aux yeux.
Je veux séparer les faits de la fiction, encadrer les montants et les replacer dans leur contexte. Parce qu’on raconte les choses les plus folles à ce sujet, même par des gens qui devraient mieux savoir. Suivez-moi un instant.

Le sommet annuel de l’OTAN aura lieu dans deux semaines. Thème central : une nouvelle Defense Investment Pledge (DIP). Combien les pays membres de l’OTAN doivent-ils dépenser pour la défense afin de rester suffisamment dissuasifs face à nos ennemis ? C’est la question qui pèse sur la balance depuis un bon moment.

La précédente DIP a été conclue lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en 2014 et s’élevait à 2 % du PIB pour les dépenses militaires. Outre le montant, le calendrier est également important. Combien de temps avez-vous pour atteindre la DIP ? L’accord prévoyait 10 ans. D’ici 2024, nous devions atteindre les 2 %.
La Belgique a longtemps ignoré cette obligation et a à peine atteint 1,3 % l’année dernière. On nous regardait du coin de l’œil comme des passagers clandestins profiteurs. Nous redressons la situation avec le nouveau gouvernement et atteignons désormais les 2 % pour cette année. Nous sommes à nouveau un allié fiable de l’OTAN et sommes à nouveau pris au sérieux sur le plan international.

Parmi les alliés de l’OTAN, un consensus émerge pour porter les investissements annuels minimums dans la sécurité à 5 % du PIB. Mais seulement 3,5 % de ce montant concernent les dépenses de défense. Les 1,5 % restants concernent les dépenses de « résilience » au sens large : développement de l’infrastructure de transport, cybersécurité contre le piratage, sécurité intérieure contre le sabotage, etc. Ce sont en partie des dépenses que nous faisons déjà, également via les entités fédérées.

Ce 5 % ne sort pas de nulle part ni ne vise à faire plaisir au président Trump. C’est le résultat du constat implacable qu’après des décennies de paix, d’énormes lacunes existent dans notre défense collective. Les capacités dont nous avons besoin pour nous défendre en cas d’attaque ou de guerre hybride à grande échelle font souvent défaut. En résumé, nous devons combler les trous dans notre bouclier, et cela coûte beaucoup plus cher que les 2 % actuels.

À la fin de la guerre froide, lors de la chute du mur de Berlin, la Belgique dépensait aussi 3,5 % pour la défense (et même plus avant). Nous sommes à nouveau dans une situation de guerre froide. Avec une grande différence : les Américains vont réduire leur présence militaire en Europe et la renforcer dans l’Indo-Pacifique. Les États-Unis considèrent la Chine comme la menace mondiale numéro un et agiront en conséquence. L’Europe devra prendre elle-même en main l’architecture de sécurité de son propre continent. Et c’est un véritable changement de donne.

La guerre meurtrière qui perdure en Europe fait que nous n’avons pas d’autre choix que d’accroître notre résilience. Pour rendre à nouveau notre défense collective efficace, des plans de défense régionaux ont été établis.

Les plans régionaux – approuvés lors du sommet de l’OTAN à Vilnius en 2023 – précisent ce qui est nécessaire pour défendre l’Europe. Cela est mis en commun et partagé avec tous les alliés, et c’est ainsi que l’on parvient à des objectifs de capacité OTAN par pays. Ce sont les objectifs que chaque pays doit atteindre. Ils ont été approuvés avant-hier. Pour les atteindre, il faut environ 3,5 % du PIB en dépenses militaires annuelles, en plus des 1,5 % pour des dépenses plus larges.

Aujourd’hui, des pays européens comme la Finlande et la Suède dépensent aussi 3,5 % pour la défense, avec une société tout aussi vieillissante que la nôtre. Eux aussi parviennent à faire croître leur économie et à préserver leur État-providence, tout comme nous l’avons fait autrefois. Atteindre 3,5 % n’est donc pas insurmontable pour nous non plus. Nous pouvons y arriver, si nous faisons les bons choix.

Lors de mon plaidoyer à l’OTAN, j’ai demandé plus de flexibilité et de temps dans la mise en œuvre de la nouvelle DIP. Nous avons besoin – au lieu des 7 ans proposés – d’au moins 10 ans, et aucune augmentation supplémentaire ne doit être imposée durant cette législature. La situation budgétaire dramatique de notre pays ne le permet pas.

En outre, j’ai fortement plaidé pour que tout soutien militaire à l’Ukraine puisse être comptabilisé dans les 3,5 % et que toutes les dépenses en matière de contrôle des frontières, par exemple, puissent être comptabilisées dans les 1,5 %.

Cette position a été déterminée par le groupe de travail inter-cabinets précédent, auquel chaque parti de la coalition a participé et donné son approbation explicite. Notre ambassadrice auprès de l’OTAN était présente tout au long du processus, également lors du débriefing de la presse. Il n’est donc pas question d’un quelconque « rappel à l’ordre ».

Theo Francken

(Titre, traduction en français et image d’entête par l’administrateur du site)

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Alain Schenkels

Présent sur les réseaux sociaux, je rédige très régulièrement des messages ou j'invite le lecteur à des débats pluralistes sur des sujets divers tels que politique et culture.

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